Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/45

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— Quoi ! malheureusement !

— Eh bien ! un an après je cherche cet ami, et ne le vois plus, dit Cagliostro avec inquiétude en consultant son verre. Nul de vous n’est parent ni allié de monsieur de Langle ?

— Non.

— Nul ne le connaît ?

— Non.

— Eh bien ! la mort commencera par lui. Je ne le vois plus.

— Un murmure d’effroi s’échappa de la poitrine des assistans.

— Mais lui... lui... Lapeyrouse ?... dirent plusieurs voix haletantes.

— Il vogue, il aborde, il se rembarque. Un an, deux ans de navigation heureuse. On reçoit de ses nouvelles (1). Et puis...

— Et puis ?

— Les années passent.

— Enfin ?

— Enfin l’Océan est grand, le ciel est sombre. Çà et là surgissent dos terres inexplorées, çà et là des figures hideuses comme les monstres do l’archipel grec. Elles guettent le navire qui fuit dans la brume entre les récifs, emporté par le courant ; enfin la tempête, la tempête plus hospitalière que le rivage, puis des feux sinistres. Oh ! Lapeyrouse ! Lapeyrouse ! Si tu pouvais m’entendre, je te dirais : Tu pars comme Christophe Colomb pour découvrir un monde, Lapeyrouse, défie-toi des îles inconnues !

Il se tut.

Un frisson glacial courait dans l’assemblée, tandis qu’au-dessus de la table vibraient encore ses dernières paroles.

— Mais pourquoi ne pas l’avoir averti ? s’écria le comte de Haga, subissant comme les autres l’influence de cet

(1) L’officier qui apporta les dernières nouvelles que l’on reçut de Lapeyrouse fut monsieur de Lesseps, le seul homme de l’expédition qui revit la France.