Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/110

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avec cet œil du marin exercé aux ténèbres et accoutumé à l’espace dans l’obscurité de la nuit.

On avait laissé à droite l’île Ratonneau, où brûlait un phare, et tout en longeant presque la côte, on était arrivé à la hauteur de l’anse des Catalans. Là les regards du prisonnier redoublèrent d’énergie : c’était là qu’était Mercédès, et il lui semblait à chaque instant voir se dessiner sur le rivage sombre la forme vague et indécise d’une femme.

Comment un pressentiment ne disait-il pas à Mercédès que son amant passait à trois cents pas d’elle ?

Une seule lumière brillait aux Catalans. En interrogeant la position de cette lumière, Dantès reconnut qu’elle éclairait la chambre de sa fiancée. Mercédès était la seule qui veillât dans toute la petite colonie. En poussant un grand cri, le jeune homme pouvait être entendu de sa fiancée.

Une fausse honte le retint. Que diraient ces hommes qui le regardaient, en l’entendant crier comme un insensé ?

Il resta donc muet et les yeux fixés sur cette lumière. Pendant ce temps la barque continuait son chemin ; mais le prisonnier ne pensait point à sa barque, il pensait à Mercédès.

Un accident de terrain fit disparaître la lumière. Dantès se retourna et s’aperçut que la barque gagnait le large.

Pendant qu’il regardait, absorbé dans sa propre pensée, on avait substitué les voiles aux rames, et la barque s’avançait maintenant poussée par le vent.

Malgré la répugnance qu’éprouvait Dantès à adresser au gendarme de nouvelles questions, il se rapprocha de lui, et lui prenant la main :

— Camarade, lui dit-il, au nom de votre conscience et