les évasions célèbres. Je n’ai vu réussir que rarement les évasions. Les évasions heureuses, les évasions couronnées d’un plein succès, sont les évasions méditées avec soin et lentement préparées : c’est ainsi que le duc de Beaufort s’est échappé du château de Vincennes ; l’abbé Dubuquoi du For-l’Évêque, et Latude de la Bastille. Il y a encore celles que le hasard peut offrir : celles-là sont les meilleures ; attendons une occasion, croyez-moi, et si cette occasion se présente, profitons-en.
— Vous avez pu attendre, vous, dit Dantès en soupirant ; ce long travail vous faisait une occupation de tous les instants, et quand vous n’aviez pas votre travail pour vous distraire, vous aviez vos espérances pour vous consoler.
— Puis, dit l’abbé, je ne m’occupais point qu’à cela.
— Que faisiez-vous donc ?
— J’écrivais ou j’étudiais.
— On vous donne donc du papier, des plumes, de l’encre ?
— Non, dit l’abbé, mais je m’en fais.
— Vous vous faites du papier, des plumes et de l’encre ? s’écria Dantès.
— Oui.
Dantès regarda cet homme avec admiration ; seulement il avait encore peine à croire ce qu’il disait. Faria s’aperçut de ce léger doute.
— Quand vous viendrez chez moi, lui dit-il, je vous montrerai un ouvrage entier, résultat des pensées, des recherches et des réflexions de toute ma vie, que j’avais médité à l’ombre du Colysée à Rome, au pied de la colonne Saint-Marc à Venise, sur les bords de l’Arno à Florence, et que je ne me doutais guère qu’un jour mes geôliers me laisseraient le loisir d’exécuter entre les