Dantès le regarda avec stupéfaction.
— Qu’avez-vous ? dit-il.
— Voyez-vous ce rayon du jour ? demanda l’abbé.
— Oui.
— Eh bien ! tout est plus clair pour moi maintenant que ce rayon transparent et lumineux. Pauvre enfant, pauvre jeune homme ! Et ce magistrat a été bon pour vous ?
— Oui.
— Ce digne substitut a brûlé, anéanti la lettre ?
— Oui.
— Cet honnête pourvoyeur du bourreau vous a fait jurer de ne jamais prononcer le nom de Noirtier ?
— Oui.
— Ce Noirtier, pauvre aveugle que vous êtes, savez-vous ce que c’était que ce Noirtier ?
Ce Noirtier, c’était son père !
La foudre, tombée aux pieds de Dantès et lui creusant un abîme au fond duquel s’ouvrait l’enfer, lui eût produit un effet moins prompt, moins électrique, moins écrasant, que ces paroles inattendues ; il se leva, saisissant sa tête à deux mains comme pour l’empêcher d’éclater.
— Son père ! son père ! s’écria-t-il.
— Oui, son père, qui s’appelle Noirtier de Villefort, reprit l’abbé.
Alors une lumière fulgurante traversa le cerveau du prisonnier, tout ce qui lui était demeuré obscur fut à l’instant même éclairé d’un jour éclatant. Ces tergiversations de Villefort pendant l’interrogatoire, cette lettre détruite, ce serment exigé, cette voix presque suppliante du magistrat qui, au lieu de menacer, semblait implorer, tout lui revint à la mémoire ; il jeta un cri, chancela un instant comme un homme ivre ; puis, s’élançant