Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/251

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aux pieds, il tomba, se raidit encore dans une dernière convulsion et devint livide.

Edmond attendit que cette mort apparente eût envahi le corps et glacé jusqu’au cœur ; alors il prit le couteau, introduisit la lame entre les dents, desserra avec une peine infinie les mâchoires crispées, compta l’une après l’autre dix gouttes de la liqueur rouge, et attendit.

Une heure s’écoula sans que le vieillard fît le moindre mouvement. Dantès craignait d’avoir attendu trop tard, et le regardait les deux mains enfoncées dans ses cheveux. Enfin une légère coloration parut sur ses joues, ses yeux, constamment restés ouverts et atones, reprirent leur regard, un faible soupir s’échappa de sa bouche, il fit un mouvement.

— Sauvé ! sauvé ! s’écria Dantès.

Le malade ne pouvait point parler encore, mais il étendit avec une anxiété visible la main vers la porte. Dantès écouta, et entendit les pas du geôlier : il allait être sept heures et Dantès n’avait pas eu le loisir de mesurer le temps.

Le jeune homme bondit vers l’ouverture, s’y enfonça, replaça la dalle au-dessus de sa tête, et rentra chez lui.

Un instant après sa porte s’ouvrit à son tour, et le geôlier, comme d’habitude, trouva le prisonnier assis sur son lit.

À peine eut-il le dos tourné, à peine le bruit des pas se fut-il perdu dans le corridor, que Dantès, dévoré d’inquiétude, reprit, sans songer à manger, le chemin qu’il venait de faire, et, soulevant la dalle avec sa tête, rentra dans la chambre de l’abbé.

Celui-ci avait repris connaissance, mais il était toujours étendu, inerte et sans force, sur son lit.

— Je ne comptais plus vous revoir, dit-il à Dantès.