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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/264

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Après la mort du pape, après l’exil de son fils, on s’attendait généralement à voir reprendre à la famille le train premier qu’elle menait du temps du cardinal Spada ; mais il n’en fut pas ainsi. Les Spada restèrent dans une aisance douteuse, un mystère éternel pesa sur cette sombre affaire, et le bruit public fut que César, meilleur politique que son père, avait enlevé au pape la fortune des deux cardinaux ; je dis des deux, parce que le cardinal Rospigliosi, qui n’avait pris aucune précaution, fut dépouillé complètement.

Jusqu’à présent, interrompit Faria en souriant, cela ne vous semble pas trop insensé, n’est-ce pas ?

— Ô mon ami, dit Dantès, il me semble que je lis au contraire une chronique pleine d’intérêt. Continuez, je vous prie.

— Je continue :

La famille s’accoutuma à cette obscurité. Les années s’écoulèrent ; parmi les descendants les uns furent soldats, les autres diplomates ; ceux-ci gens d’église, ceux-là banquiers ; les uns s’enrichirent, les autres achevèrent de se ruiner. J’arrive au dernier de la famille, à celui-là dont je fus le secrétaire, au comte de Spada.

Je l’avais bien souvent entendu se plaindre de la disproportion de sa fortune avec son rang, aussi lui avais-je donné le conseil de placer le peu de biens qui lui restait en rentes viagères ; il suivit ce conseil, et doubla ainsi son revenu.

Le fameux bréviaire était resté dans la famille et c’était le comte de Spada qui le possédait : on l’avait conservé de père en fils, car la clause bizarre du seul testament qu’on eût retrouvé en avait fait une véritable relique gardée avec une superstitieuse vénération dans la famille ; c’était un livre enluminé des plus belles figures gothiques, et si