Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/296

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autre jambe à lui et toucha la terre ; il vit alors quel était l’objet qu’il avait pris pour un nuage.

À vingt pas de lui s’élevait une masse de rochers bizarres, qu’on prendrait pour un foyer immense pétrifié au moment de sa plus ardente combustion : c’était l’île de Tiboulen.

Dantès se releva, fit quelques pas en avant, et s’étendit en remerciant Dieu sur ces pointes de granit, qui lui semblèrent à cette heure plus douces que ne lui avait jamais paru le lit le plus doux.

Puis, malgré le vent, malgré la tempête, malgré la pluie, qui commençait à tomber, brisé de fatigue qu’il était, il s’endormit de ce délicieux sommeil de l’homme chez lequel le corps s’engourdit, mais dont l’âme veille avec la conscience d’un bonheur inespéré.

Au bout d’une heure, Edmond se réveilla sous le grondement d’un immense coup de tonnerre : la tempête était déchaînée dans l’espace et battait l’air de son vol éclatant ; de temps en temps un éclair descendait du ciel comme un serpent de feu, éclairant les flots et les nuages qui roulaient au-devant les uns des autres comme les vagues d’un immense chaos.

Dantès, avec son coup d’œil de marin, ne s’était pas trompé : il avait abordé à la première des deux îles, qui est effectivement celle de Tiboulen. Il la savait nue, découverte et n’offrant pas le moindre asile ; mais quand la tempête serait calmée il se remettrait à la mer et gagnerait à la nage l’île Lemaire, aussi aride, mais plus large et par conséquent plus hospitalière.

Une roche qui surplombait offrit un abri momentané à Dantès, il s’y réfugia, et presque au même instant la tempête éclata dans toute sa fureur.

Edmond sentait trembler la roche sous laquelle il