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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/304

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— C’est moi, dit un matelot à la figure franche et ouverte, encadrée de longs favoris noirs ; et il était temps, vous couliez.

— Oui, dit Dantès en lui tendant la main, oui, mon ami, et je vous remercie une seconde fois.

— Ma foi ! dit le marin, j’hésitais presque ; avec votre barbe de six pouces de long et vos cheveux d’un pied, vous aviez plus l’air d’un brigand que d’un honnête homme.

Dantès se rappela effectivement que depuis qu’il était au château d’If il ne s’était pas coupé les cheveux, et ne s’était point fait la barbe.

— Oui, dit-il, c’est un vœu que j’avais fait à Notre-Dame del Pie de la Grotta, dans un moment de danger d’être dix ans sans couper mes cheveux ni ma barbe. C’est aujourd’hui l’expiration de mon vœu, et j’ai failli me noyer pour mon anniversaire.

— Maintenant, qu’allons-nous faire de vous ? demanda le patron.

— Hélas ! répondit Dantès, ce que vous voudrez : la felouque que je montais est perdue, le capitaine est mort ; comme vous le voyez, j’ai échappé au même sort, mais absolument nu ; heureusement, je suis assez bon matelot ; jetez-moi dans le premier port où vous relâcherez, et je trouverai toujours de l’emploi sur un bâtiment marchand.

— Vous connaissez la Méditerranée ?

— J’y navigue depuis mon enfance.

— Vous savez les bons mouillages ?

— Il y a peu de ports, même des plus difficiles, dans lesquels je ne puisse entrer ou dont je ne puisse sortir les yeux fermés.

— Eh bien ! dites donc, patron, demanda le matelot