Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/101

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qui cependant parut n’avoir point échappé à l’étranger.

— M. Morrel est à son cabinet, n’est-ce pas, mademoiselle Julie ? demanda le caissier.

— Oui, du moins je le crois, dit la jeune fille en hésitant ; voyez d’abord, Coclès, et si mon père y est, annoncez Monsieur.

— M’annoncer serait inutile, Mademoiselle, répondit l’Anglais, M. Morrel ne connaît pas mon nom. Ce brave homme n’a qu’à dire seulement que je suis le premier commis de MM. Thomson et French de Rome, avec lesquels la maison de monsieur votre père est en relations.

La jeune fille pâlit et continua de descendre, tandis que Coclès et l’étranger continuaient de monter.

Elle entra dans le bureau où se tenait Emmanuel, et Coclès, à l’aide d’une clef dont il était possesseur, et qui annonçait ses grandes entrées près du maître, ouvrit une porte placée dans l’angle du palier du deuxième étage, introduisit l’étranger dans une antichambre, ouvrit une seconde porte qu’il referma derrière lui, et après avoir laissé seul un instant l’envoyé de la maison Thomson et French, reparut en lui faisant signe qu’il pouvait entrer.

L’Anglais entra ; il trouva M. Morrel assis devant une table, pâlissant devant les colonnes effrayantes du registre où était inscrit son passif.

En voyant l’étranger, M. Morrel ferma le registre, se leva et avança un siège ; puis, lorsqu’il eût vu l’étranger s’asseoir, il s’assit lui-même.

Quatorze années avaient bien changé le digne négociant, qui, âgé de trente-six ans au commencement de cette histoire, était sur le point d’atteindre la cinquantaine : ses cheveux avaient blanchi, son front s’était creusé sous des rides soucieuses, enfin son regard,