Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/150

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Lorsque le bateau fut arrivé à une vingtaine de pas de la terre, l’homme qui était sur le rivage fit machinalement, avec sa carabine, le geste d’une sentinelle qui attend une patrouille, et cria Qui vive ! en patois sarde.

Franz arma froidement ses deux coups.

Gaetano échangea alors avec cet homme quelques paroles auxquelles le voyageur ne comprit rien, mais qui le concernaient évidemment.

— Son Excellence, demanda le patron, veut-elle se nommer ou garder l’incognito ?

— Mon nom doit être parfaitement inconnu ; dites-leur donc simplement, reprit Franz, que je suis un Français voyageant pour ses plaisirs.

Lorsque Gaetano eut transmis cette réponse, la sentinelle donna un ordre à l’un des hommes assis devant le feu, lequel se leva aussitôt, et disparut dans les rochers.

Il se fit un silence. Chacun semblait préoccupé de ses affaires : Franz de son débarquement, les matelots de leurs voiles, les contrebandiers de leur chevreau ; mais au milieu de cette insouciance apparente, on s’observait mutuellement.

L’homme qui s’était éloigné reparut tout à coup du côté opposé de celui par lequel il avait disparu. Il fit un signe de la tête à la sentinelle, qui se retourna du côté de la barque et se contenta de prononcer ces seules paroles : S’accommodi.

Le s’accommodi italien est intraduisible, il veut dire à la fois, venez, entrez, soyez le bienvenu, faites comme chez vous, vous êtes le maître. C’est comme cette phrase turque de Molière, qui étonnait si fort le bourgeois gentilhomme par la quantité de choses qu’elle contenait.

Les matelots ne se le firent pas dire deux fois : en quatre coups de rames, la barque toucha la terre. Gaetano