Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/196

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chassé du royaume de Naples, où il avait soutenu une véritable guerre, avait traversé le Garigliano comme Manfred, et était venu entre Sonnino et Juperno se réfugier sur les bords de l’Amasine.

C’était lui qui s’occupait à réorganiser une troupe, et qui marchait sur les traces de Decesaris et de Gasparone, qu’il espérait bientôt surpasser. Plusieurs jeunes gens de Palestrina, de Frascati et de Pampinara disparurent. On s’inquiéta d’eux d’abord, puis bientôt on sut qu’ils étaient allés rejoindre la bande de Cucumetto.

Au bout de quelque temps, Cucumetto devint l’objet de l’attention générale. On citait de ce chef de bandits des traits d’audace extraordinaire et de brutalité révoltante.

Un jour il enleva une jeune fille : c’était la fille de l’arpenteur de Frosinone. Les lois des bandits sont positives : une jeune fille est à celui qui l’enlève d’abord, puis les autres la tirent au sort, et la malheureuse sert aux plaisirs de toute la troupe jusqu’à ce que les bandits l’abandonnent ou qu’elle meure.

Lorsque les parents sont assez riches pour la racheter, on envoie un messager qui traite de la rançon ; la tête de la prisonnière répond de la sécurité de l’émissaire. Si la rançon est refusée, la prisonnière est condamnée irrévocablement.

La jeune fille avait son amant dans la troupe de Cucumetto, il s’appelait Carlini.

En reconnaissant le jeune homme, elle tendit les bras vers lui et se crut sauvée. Mais le pauvre Carlini, en la reconnaissant, lui, sentit son cœur se briser ; car il se doutait bien du sort qui attendait sa maîtresse.

Cependant, comme il était le favori de Cucumetto, comme il avait partagé ses dangers depuis trois ans, comme il lui avait sauvé la vie en abattant d’un coup de