Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il la reconduisit jusque chez elle : il n’y avait personne, et elle n’était aucunement attendue ; il lui en fit le reproche.

— En vérité, lui dit-elle, je ne me sens pas bien, et j’ai besoin d’être seule ; la vue de cet homme m’a toute bouleversée.

Franz essaya de rire.

— Ne riez pas, lui dit-elle ; d’ailleurs vous n’en avez pas envie. Puis promettez-moi une chose.

— Laquelle ?

— Promettez-la-moi.

— Tout ce que vous voudrez, excepté de renoncer à découvrir quel est cet homme. J’ai des motifs que je ne puis vous dire pour désirer savoir qui il est, d’où il vient et où il va.

— D’où il vient, je l’ignore ; mais où il va, je puis vous le dire : il va en enfer à coup sûr.

— Revenons à la promesse que vous vouliez exiger de moi, comtesse, dit Franz.

— Ah ! c’est de rentrer directement à l’hôtel et de ne pas chercher ce soir à voir cet homme, il y a certaines affinités entre les personnes que l’on quitte et les personnes que l’on rejoint. Ne servez pas de conducteur entre cet homme et moi. Demain courez après lui si bon vous semble ; mais ne me le présentez jamais, si vous ne voulez pas me faire mourir de peur. Sur ce, bonsoir ; tâchez de dormir, moi je sais bien qui ne dormira pas.

Et à ces mots la comtesse quitta Franz, le laissant indécis de savoir si elle s’était amusée à ses dépens ou si elle avait véritablement ressenti la crainte qu’elle avait exprimée.

En rentrant à l’hôtel, Franz trouva Albert en robe de chambre, en pantalon à pied, voluptueusement étendu sur un fauteuil et fumant son cigare.