Aller au contenu

Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

saucisses ; l’un d’eux souleva la planche, en tira un flacon de vin, but un coup et passa le flacon à son camarade : ces deux hommes c’étaient les aides du bourreau !

À ce seul aspect, Franz avait senti la sueur poindre à la racine de ses cheveux.

Les condamnés, transportés la veille au soir des Carceri Nuove dans la petite église Sainte-Marie-del Popolo, avaient passé la nuit, assistés chacun de deux prêtres, dans une chapelle ardente fermée d’une grille, devant laquelle se promenaient des sentinelles relevées d’heure en heure.

Une double haie de carabiniers placés de chaque côté de la porte de l’église s’étendait jusqu’à l’échafaud, autour duquel elle s’arrondissait, laissant libre un chemin de dix pieds de large à peu près, et autour de la guillotine un espace d’une centaine de pas de circonférence. Tout le reste de la place était pavé de têtes d’hommes et de femmes. Beaucoup de femmes tenaient leurs enfants sur leurs épaules. Ces enfants, qui dépassaient la foule de tout le torse, étaient admirablement placés.

Le monte Pincio semblait un vaste amphithéâtre dont tous les gradins eussent été chargés de spectateurs ; les balcons des deux églises qui font l’angle des rues del Babuino et de la rue di Ripetta regorgeaient de curieux privilégiés ; les marches des péristyles semblaient un flot mouvant et bariolé qu’une marée incessante poussait vers le portique : chaque aspérité de la muraille qui pouvait donner place à un homme avait sa statue vivante.

Ce que disait le comte est donc vrai : ce qu’il y a de plus curieux dans la vie est le spectacle de la mort.

Et cependant, au lieu du silence qui semblait commander la solennité du spectacle, un grand bruit montait de cette foule, bruit composé de rires, de huées et de cris