Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/277

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seulement le carnaval est commencé, habillons-nous vite.

— En effet, répondit Franz au comte, il ne reste de toute cette horrible scène que la trace d’un rêve.

— C’est que ce n’est pas autre chose qu’un rêve, qu’un cauchemar, que vous avez eu.

— Oui, moi ; mais le condamné ?

— C’est un rêve aussi ; seulement il est resté endormi, lui, tandis que vous vous êtes réveillé, vous ; et qui peut dire lequel de vous deux est le privilégié ?

— Mais Peppino, demanda Franz, qu’est-il devenu ?

— Peppino est un garçon de sens qui n’a pas le moindre amour-propre, et qui, contre l’habitude des hommes qui sont furieux lorsqu’on ne s’occupe pas d’eux, a été enchanté, lui, de voir que l’attention générale se portait sur son camarade ; il a en conséquence profité de cette distraction pour se glisser dans la foule et disparaître, sans même remercier les dignes prêtres qui l’avaient accompagné. Décidément, l’homme est un animal fort ingrat et fort égoïste… Mais habillez-vous ; tenez, vous voyez que M. de Morcerf vous donne l’exemple.

En effet, Albert passait machinalement son pantalon de taffetas par-dessus son pantalon noir et ses bottes vernies.

— Eh bien ! Albert, demanda Franz, êtes-vous bien en train de faire des folies ? Voyons, répondez franchement.

— Non, dit-il, mais en vérité je suis aise maintenant d’avoir vu une pareille chose, et je comprends ce que disait M. le comte : c’est que, lorsqu’on a pu s’habituer une fois à un pareil spectacle, ce soit le seul qui donne encore des émotions.

— Sans compter que c’est en ce moment-là seulement