Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/39

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en s’accumulant rassurer Dantès, plus son cœur défaillant se laissait aller au doute et presque au découragement : cette nouvelle expérience, qui aurait dû lui donner une force nouvelle, lui ôta la force qui lui restait : la pioche descendit, s’échappant presque de ses mains ; il la posa sur le sol, s’essuya le front et remonta vers le jour, se donnant à lui-même le prétexte de voir si personne ne l’épiait, mais, en réalité, parce qu’il avait besoin d’air, parce qu’il sentait qu’il allait s’évanouir.

L’île était déserte, et le soleil à son zénith semblait la couvrir de son œil de feu ; au loin, de petites barques de pêcheurs ouvraient leurs ailes sur la mer d’un bleu de saphir.

Dantès n’avait encore rien pris : mais c’était bien long de manger dans un pareil moment ; il avala une gorgée de rhum et rentra dans la grotte le cœur raffermi.

La pioche qui lui avait semblé si lourde était redevenue légère ; il la souleva comme il eût fait d’une plume, et se remit vigoureusement à la besogne.

Après quelques coups il s’aperçut que les pierres n’étaient point scellées, mais seulement posées les unes sur les autres et recouvertes de l’enduit dont nous avons parlé ; il introduisit dans une des fissures la pointe de la pioche, pesa sur le manche et vit avec joie la pierre rouler sur des gonds et tomber à ses pieds.

Dès lors Dantès n’eut plus qu’à tirer chaque pierre à lui avec la dent de fer de la pioche, et chaque pierre à son tour roula près de la première.

Dès la première ouverture, Dantès eut pu entrer ; mais en tardant de quelques instants c’était retarder la certitude en se cramponnant à l’espérance.

Enfin, après une nouvelle hésitation d’un instant, Dantès passa de cette première grotte dans la seconde.