Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/59

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— Oh ! mon Dieu ! oui ! seul ou à peu près, monsieur l’abbé ; car j’ai ma femme qui ne me peut aider en rien, attendu qu’elle est toujours malade, la pauvre Carconte.

— Ah ! vous êtes marié ! dit le prêtre avec une sorte d’intérêt, et en jetant autour de lui un regard qui paraissait estimer à sa mince valeur le maigre mobilier du pauvre ménage.

— Vous trouvez que je ne suis pas riche, n’est-ce pas, monsieur l’abbé ? dit en soupirant Caderousse ; mais que voulez-vous ! il ne suffit pas d’être honnête homme pour prospérer dans ce monde.

L’abbé fixa sur lui un regard perçant.

— Oui, honnête homme ; de cela je puis m’en vanter, monsieur, dit l’hôte en soutenant le regard de l’abbé, une main sur sa poitrine et en hochant la tête du haut en bas ; et dans notre époque tout le monde n’en peut pas dire autant.

— Tant mieux si ce dont vous vous vantez est vrai, dit l’abbé ; car tôt ou tard, j’en ai la ferme conviction, l’honnête homme est récompensé et le méchant puni.

— C’est votre état de dire cela, monsieur l’abbé ; c’est votre état de dire cela, reprit Caderousse avec une expression amère ; après cela on est libre de ne pas croire ce que vous dites.

— Vous avez tort de parler ainsi, Monsieur, dit l’abbé, car peut-être vais-je être moi-même pour vous, tout à l’heure, une preuve de ce que j’avance.

— Que voulez-vous dire ? demanda Caderousse d’un air étonné.

— Je veux dire qu’il faut que je m’assure avant tout si vous êtes celui à qui j’ai affaire.

— Quelles preuves voulez-vous que je vous donne ?

— Avez-vous connu en 1814 ou 1815 un marin qui s’appelait Dantès ?