Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/89

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sans inquiétudes, attendu que l’on dit que la maison menace ruine : j’arrive donc tout exprès de Rome pour vous demander des renseignements sur cette maison.

— Monsieur, répondit le maire, je sais effectivement que depuis quatre ou cinq ans le malheur semble poursuivre M. Morrel : il a successivement perdu quatre ou cinq bâtiments et essuyé trois ou quatre banqueroutes ; mais il ne m’appartient pas, quoique son créancier moi-même pour une dizaine de mille francs, de donner aucun renseignement sur l’état de sa fortune. Demandez-moi comme maire ce que je pense de M. Morrel, et je vous répondrai que c’est un homme probe jusqu’à la rigidité, et qui jusqu’à présent a rempli tous ces engagements avec une parfaite exactitude. Voilà tout ce que je puis vous dire, Monsieur ; si vous voulez en savoir davantage, adressez-vous à M. de Boville, inspecteur des prisons, rue de Noailles, no 15 ; il a, je crois, deux cent mille francs placés dans la maison Morrel, et s’il y a réellement quelque chose à craindre, comme cette somme est plus considérable que la mienne, vous le trouverez probablement sur ce point mieux renseigné que moi.

L’Anglais parut apprécier cette suprême délicatesse, salua, sortit et s’achemina de ce pas particulier aux fils de la Grande-Bretagne vers la rue indiquée.

M. de Boville était dans son cabinet. En l’apercevant, l’Anglais fit un mouvement de surprise qui semblait indiquer que ce n’était point la première fois qu’il se trouvait devant celui auquel il venait faire une visite. Quant à M. de Boville, il était si désespéré, qu’il était évident que toutes les facultés de son esprit, absorbées dans la pensée qui l’occupait en ce moment, ne laissaient ni à sa mémoire ni à son imagination le loisir de s’égarer dans le passé.