Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/104

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médecin en pareille circonstance ; c’est-à-dire que je lui insufflai courageusement de l’air dans les poumons, qu’après un quart d’heure d’efforts inouïs je le vis respirer, et j’entendis un cri s’échapper de sa poitrine.

À mon tour, je jetai un cri, mais un cri de joie. « Dieu ne me maudit donc pas, me dis-je, puisqu’il permet que je rende la vie à une créature humaine en échange de la vie que j’ai ôtée à une autre ! »

— Et que fîtes-vous donc de cet enfant ? demanda Monte-Cristo ; c’était un bagage assez embarrassant pour un homme qui avait besoin de fuir.

— Aussi n’eus-je point un instant l’idée de le garder. Mais je savais qu’il existait à Paris un hospice où on reçoit ces pauvres créatures. En passant à la barrière, je déclarai avoir trouvé cet enfant sur la route, et je m’informai. Le coffre était là qui faisait foi ; les langes de batiste indiquaient que l’enfant appartenait à des parents riches ; le sang dont j’étais couvert pouvait aussi bien appartenir à l’enfant qu’à tout autre individu. On ne me fit aucune objection ; on m’indiqua l’hospice, qui était situé tout au bout de la rue d’Enfer, et, après avoir pris la précaution de couper le lange en deux, de manière qu’une des deux lettres qui le marquaient continuât d’envelopper le corps de l’enfant, je déposai mon fardeau dans le tour, je sonnai et je m’enfuis à toutes jambes. Quinze jours après, j’étais de retour à Rogliano, et je disais à Assunta :

— « Console-toi, ma sœur ; Israël est mort, mais je l’ai vengé. »

Alors elle me demanda l’explication de ces paroles, et je lui racontai tout ce qui s’était passé.

— « Giovanni, me dit Assunta, tu aurais dû rapporter cet enfant, nous lui eussions tenu lieu des parents qu’il