Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/111

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Je tirai donc Benedetto à part et lui fis la proposition de me suivre, en entourant cette proposition de toutes les promesses qui peuvent séduire un enfant de douze ans.

Il me laissa aller jusqu’au bout, et lorsque j’eus finis, éclatant de rire :

— Êtes-vous fou, mon oncle ? dit-il (il m’appelait ainsi quand il était de belle humeur) ; moi changer la vie que je mène contre celle que vous menez, ma bonne et excellente paresse contre l’horrible travail que vous vous êtes imposé ! passer la nuit au froid, le jour au chaud ; se cacher sans cesse ; quand on se montre recevoir des coups de fusil, et tout cela pour gagner un peu d’argent ! L’argent, j’en ai tant que j’en veux ! mère Assunta m’en donne quand je lui en demande. Vous voyez donc bien que je serais un imbécile si j’acceptais ce que vous me proposez.

J’étais stupéfait de cette audace et de ce raisonnement. Benedetto retourna jouer avec ses camarades, et je le vis de loin me montrant à eux comme un idiot.

— Charmant enfant ! murmura Monte-Cristo.

— Oh ! s’il eût été à moi, répondit Bertuccio, s’il eût été mon fils, ou tout au moins mon neveu, je l’eusse bien ramené au droit sentier, car la conscience donne la force. Mais l’idée que j’allais battre un enfant dont j’avais tué le père me rendait toute correction impossible. Je donnai de bons conseils à ma sœur, qui, dans nos discussions, prenait sans cesse la défense du petit malheureux, et comme elle m’avoua que plusieurs fois des sommes assez considérables lui avaient manqué, je lui indiquai un endroit où elle pouvait cacher notre petit trésor. Quant à moi, ma résolution était prise. Benedetto savait parfaitement lire, écrire et compter, car lors-