Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/121

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On entendait gronder sourdement le tonnerre dans le lointain ; mais ni le bijoutier, ni Caderousse, ni la Carconte, ne paraissaient s’en occuper, possédés qu’ils étaient tous les trois du démon du gain.

Moi-même, j’éprouvais une étrange fascination à la vue de tout cet or et de tous ces billets. Il me semblait que je faisais un rêve, et, comme il arrive dans un rêve, je me sentais enchaîné à ma place.

Caderousse compta et recompta l’or et les billets, puis il les passa à sa femme, qui les compta et recompta à son tour.

Pendant ce temps, le bijoutier faisait miroiter le diamant sous les rayons de la lampe, et le diamant jetait des éclairs qui lui faisaient oublier ceux qui, précurseurs de l’orage, commençaient à enflammer les fenêtres.

— Eh bien ! le compte y est-il ? demanda le bijoutier.

— Oui, dit Caderousse ; donne le portefeuille et cherche un sac, Carconte.

La Carconte alla à une armoire et revint apportant un vieux portefeuille de cuir, duquel on tira quelques lettres graisseuses à la place desquelles on remit les billets, et un sac dans lequel étaient enfermés deux ou trois écus de six livres, qui composaient probablement toute la fortune du misérable ménage.

— Là, dit Caderousse, quoique vous nous ayez soulevé une dizaine de mille francs, peut-être, voulez-vous souper avec nous ? c’est de bon cœur.

— Merci, dit le bijoutier, il doit se faire tard, et il faut que je retourne à Beaucaire ; ma femme serait inquiète ; il tira sa montre. Morbleu ! s’écria-t-il, neuf heures bientôt, je ne serai pas à Beaucaire avant minuit ; adieu, mes petits enfants ; s’il vous revient par hasard des abbés Busoni, pensez à moi.