Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/123

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Caderousse alla lentement jusqu’au seuil.

— Il ne fait ni ciel ni terre, dit le bijoutier déjà hors de la maison. Faut-il prendre à droite ou à gauche ?

— À droite, dit Caderousse ; il n’y a pas à s’y tromper, la route est bordée d’arbres de chaque côté.

— Bon, j’y suis, dit la voix presque perdue dans le lointain.

— Ferme donc la porte, dit la Carconte, je n’aime pas les portes ouvertes quand il tonne.

— Et quand il y a de l’argent dans la maison, n’est-ce pas ? dit Caderousse en donnant un double tour à la serrure.

Il rentra, alla à l’armoire, retira le sac et le portefeuille, et tous deux se mirent à recompter pour la troisième fois leur or et leurs billets.

Je n’ai jamais vu expression pareille à ces deux visages dont cette maigre lampe éclairait la cupidité. La femme surtout était hideuse ; le tremblement fiévreux qui l’animait habituellement avait redoublé. Son visage de pâle était devenu livide ; ses yeux caves flamboyaient.

— Pourquoi donc, demanda-t-elle d’une voix sourde, lui avais-tu offert de coucher ici ?

— Mais, répondit Caderousse en tressaillant, pour… pour qu’il n’eût pas la peine de retourner à Beaucaire.

— Ah ! dit la femme avec une expression impossible à rendre, je croyais que c’était pour autre chose, moi.

— Femme ! femme ! s’écria Caderousse, pourquoi as-tu de pareilles idées, et pourquoi les ayant ne les gardes-tu pas pour toi ?

— C’est égal, dit la Carconte après un instant de silence, tu n’es pas un homme.

— Comment cela ? fit Caderousse.