Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/194

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et tendant au comte sa main en même temps qu’elle l’accueillait avec un sourire :

— Pourquoi, dit-elle dans la langue sonore des filles de Sparte et d’Athènes, pourquoi me fais-tu demander la permission d’entrer chez moi ? N’es-tu plus mon maître, ne suis-je plus ton esclave ?

Monte-Cristo sourit à son tour.

— Haydée, dit-il, vous savez…

— Pourquoi ne me dis-tu pas tu comme d’habitude ? interrompit la jeune Grecque ; ai-je donc commis quelque faute ? En ce cas il faut me punir, mais non pas me dire vous.

— Haydée, reprit le comte, tu sais que nous sommes en France, et par conséquent que tu es libre.

— Libre de quoi faire ? demanda la jeune fille.

— Libre de me quitter.

— Te quitter !… et pourquoi te quitterais-je ?

— Que sais-je, moi ? nous allons voir le monde.

— Je ne veux voir personne.

— Et si parmi les beaux jeunes gens que tu rencontreras, tu en trouvais quelqu’un qui te plût, je ne serais pas assez injuste…

— Je n’ai jamais vu d’hommes plus beaux que toi, et je n’ai jamais aimé que mon père et toi.

— Pauvre enfant, dit Monte-Cristo, c’est que tu n’as guère parlé qu’à ton père et à moi.

— Eh bien ! qu’ai-je besoin de parler à d’autres ? Mon père m’appelait sa joie, toi tu m’appelles ton amour, et tous deux vous m’appelez votre enfant.

— Tu te rappelles ton père, Haydée ?

La jeune fille sourit.

— Il est là et là, dit-elle, en mettant la main sur ses yeux et sur son cœur.