Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/209

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— Mais ce Lord Wilmore, dit-elle, se rattachant à cette dernière espérance, il avait un pays, une famille, des parents, il était connu enfin ? Est-ce que nous ne pourrions pas… ?

— Oh ! ne cherchez point, madame, dit le comte, ne bâtissez point de douces chimères sur cette parole que j’ai laissé échapper. Non, Lord Wilmore n’est pas l’homme que vous cherchez : il était mon ami, je connaissais tous ses secrets, il m’eût raconté celui-là.

— Et il ne vous en a rien dit ? s’écria Julie.

— Rien.

— Jamais un mot qui pût vous faire supposer ?…

— Jamais.

— Cependant vous l’avez nommé tout de suite.

— Ah ! vous savez… en pareil cas, on suppose.

— Ma sœur, ma sœur, dit Maximilien venant en aide au comte, monsieur a raison. Rappelle-toi ce que nous a dit si souvent notre bon père : Ce n’est pas un Anglais qui nous a fait ce bonheur.

Monte-Cristo tressaillit.

— Votre père vous disait… M. Morrel ?… reprit-il vivement.

— Mon père, monsieur, voyait dans cette action un miracle. Mon père croyait à un bienfaiteur sorti pour nous de la tombe. Oh ! la touchante superstition, monsieur, que celle-là, et comme, tout en n’y croyant pas moi-même, j’étais loin de vouloir détruire cette croyance dans son noble cœur ! Aussi combien de fois y rêva-t-il en prononçant tout bas un nom d’ami bien cher, un nom d’ami perdu ; et lorsqu’il fut près de mourir, lorsque l’approche de l’éternité eût donné à son esprit quelque chose de l’illumination de la tombe, cette pensée, qui n’avait jusque-là été qu’un doute, devint une conviction,