Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sortir ce mot de la bouche d’un pauvre journalier vêtu d’une blouse et coiffé d’une casquette.

Valentine poussa un petit cri de surprise joyeuse ; puis tout à coup :

— Hélas, Maximilien, dit-elle tristement et comme si un nuage jaloux était soudain venu voiler le rayon de soleil qui illuminait son cœur, maintenant nous serons trop libres, notre bonheur nous fera tenter Dieu ; nous abuserons de notre sécurité, et notre sécurité nous perdra.

— Pouvez-vous me dire cela, mon amie, à moi qui, depuis que je vous connais, vous prouve chaque jour que j’ai subordonné mes pensées et ma vie à votre vie et à vos pensées ? Qui vous a donné confiance en moi ? Mon bonheur, n’est-ce pas ? Quand vous m’avez dit qu’un vague instinct vous assurait que vous couriez quelque grand danger, j’ai mis mon dévouement à votre service, sans vous demander d’autre récompense que le bonheur de vous servir. Depuis ce temps, vous ai-je, par un mot, par un signe, donné l’occasion de vous repentir de m’avoir distingué au milieu de ceux qui eussent été heureux de mourir pour vous ? Vous m’avez dit, pauvre enfant, que vous étiez fiancée à M. d’Épinay, que votre père avait décidé cette alliance, c’est-à-dire qu’elle était certaine ; car tout ce que veut M. de Villefort arrive infailliblement. Eh bien ! je suis resté dans l’ombre, attendant tout, non pas de ma volonté, non pas de la vôtre, mais des événements, de la Providence, de Dieu, et cependant vous m’aimez, vous avez eu pitié de moi, Valentine, et vous me l’avez dit ; merci pour cette douce parole que je ne vous demande que de me répéter de temps en temps, et qui me fera tout oublier.

— Et voilà ce qui vous a enhardi, Maximilien, voilà