Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/219

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Valentine, si j’étais ce que vous êtes, si je me sentais aimé comme vous êtes sûre que je vous aime, déjà cent fois j’eusse passé ma main entre les barreaux de cette grille, et j’eusse serré la main du pauvre Maximilien en lui disant : « À vous, à vous seul, Maximilien, dans ce monde et dans l’autre. »

Valentine ne répondit rien, mais le jeune homme l’entendit soupirer et pleurer.

La réaction fut prompte sur Maximilien.

— Oh ! s’écria-t-il, Valentine ! Valentine ! oubliez mes paroles, s’il y a dans mes paroles quelque chose qui ait pu vous blesser !

— Non, dit-elle, vous avez raison ; mais ne voyez-vous pas que je suis une pauvre créature, abandonnée dans une maison presque étrangère, car mon père m’est presque un étranger, et dont la volonté a été brisée depuis dix ans, jour par jour, heure par heure, minute par minute, par la volonté de fer des maîtres qui pèsent sur moi ? Personne ne voit ce que je souffre et je ne l’ai dit à personne qu’à vous. En apparence, et aux yeux de tout le monde, tout m’est bon, tout m’est affectueux ; en réalité, tout m’est hostile. Le monde dit : M. de Villefort est trop grave et trop sévère pour être bien tendre envers sa fille ; mais elle a eu du moins le bonheur de retrouver dans madame de Villefort une seconde mère. Eh bien, le monde se trompe, mon père m’abandonne avec indifférence, et ma belle-mère me hait avec un acharnement d’autant plus terrible qu’il est voilé par un éternel sourire.

— Vous haïr ! vous, Valentine ! Et comment peut-on vous haïr ?

— Hélas ! mon ami, dit Valentine, je suis forcée d’avouer que cette haine pour moi vient d’un sentiment presque naturel. Elle adore son fils, mon frère Édouard.