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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/234

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— Oui, je comprends ; et comment vous habitueriez-vous, vous, par exemple, ou plutôt comment vous êtes-vous habitué ?

— C’est bien facile. Supposez que vous sachiez d’avance de quel poison on doit user contre vous… supposez que ce poison soit de la… brucine, par exemple…

— La brucine se tire de la fausse angusture[1], je crois, dit madame de Villefort.

— Justement, madame, répondit Monte-Cristo ; mais je crois qu’il ne me reste pas grand-chose à vous apprendre ; recevez mes compliments : de pareilles connaissances sont rares chez les femmes.

— Oh ! je l’avoue, dit madame de Villefort, j’ai la plus violente passion pour les sciences occultes qui parlent à l’imagination comme une poésie, et se résolvent en chiffres comme une équation algébrique ; mais continuez, je vous prie : ce que vous me dites m’intéresse au plus haut point.

— Eh bien, reprit Monte-Cristo, supposez que ce poison soit de la brucine, par exemple, et que vous en preniez un milligramme le premier jour, deux milligrammes le second, eh bien, au bout de dix jours vous aurez un centigramme ; au bout de vingt jours, en augmentant d’un autre milligramme, vous aurez trois centigrammes, c’est-à-dire une dose que vous supporterez sans inconvénient, et qui serait déjà fort dangereuse pour une autre personne qui n’aurait pas pris les mêmes précautions que vous ; enfin, au bout d’un mois, en buvant de l’eau dans la même carafe, vous tuerez la personne qui aura bu cette eau en même temps que vous, sans vous apercevoir autrement que par un simple malaise qu’il y ait

  1. Brucea ferruginea.