Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/240

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ce chou avec une dissolution d’arsenic ; le troisième jour, le chou tombait malade et jaunissait, c’était le moment de le couper ; pour tous il paraissait mûr et conservait son apparence honnête : pour l’abbé Adelmonte seul il était empoisonné. Alors, il apportait le chou chez lui, prenait un lapin, l’abbé Adelmonte avait une collection de lapins, de chats et de cochons d’Inde qui ne le cédait en rien à sa collection de légumes, de fleurs et de fruits : l’abbé Adelmonte prenait donc un lapin et lui faisait manger une feuille de chou, le lapin mourait. Quel est le juge d’instruction qui oserait trouver à redire à cela, et quel est le procureur du roi qui s’est jamais avisé de dresser contre M. Magendie ou M. Flourens un réquisitoire à propos des lapins, des cochons d’Inde et des chats qu’ils ont tués ? Aucun. Voilà donc le lapin mort sans que la justice s’en inquiète. Ce lapin mort, l’abbé Adelmonte le fait vider par sa cuisinière et jette les intestins sur un fumier. Sur ce fumier, il y a une poule, elle becquète ces intestins, tombe malade à son tour et meurt le lendemain. Au moment où elle se débat dans les convulsions de l’agonie, un vautour passe (il y a beaucoup de vautours dans le pays d’Adelmonte), celui-là fond sur le cadavre, l’emporte sur un rocher et en dîne. Trois jours après, le pauvre vautour, qui, depuis ce repas, s’est trouvé constamment indisposé, se sent pris d’un étourdissement au plus haut de la nue ; il roule dans le vide et vient tomber lourdement dans votre vivier ; le brochet, l’anguille et la murène mangent goulûment, vous savez cela, ils mordent le vautour. Eh bien, supposez que le lendemain l’on serve sur votre table cette anguille, ce brochet ou cette murène, empoisonnés à la quatrième génération, votre convive, lui, sera empoisonné à la cinquième et mourra au bout de