Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/254

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— Eh bien, reprit vivement Mme G…, pouvez-vous me dire à qui appartenait le cheval, qui a gagné le prix du Jockey-Club ?

— Non, madame, dit Château-Renaud, et je faisais tout à l’heure la même question à Albert.

— Y tenez-vous beaucoup, madame la comtesse ? demanda Albert.

— À quoi ?

— À connaître le maître du cheval ?

— Infiniment. Imaginez-vous… Mais sauriez-vous qui, par hasard, vicomte ?

— Madame, vous alliez raconter une histoire : imaginez-vous, avez-vous dit.

— Eh bien, imaginez-vous que ce charmant cheval alezan et ce joli petit jockey à casaque rose m’avaient, à la première vue, inspiré une si vive sympathie, que je faisais des vœux pour l’un et pour l’autre, exactement comme si j’avais engagé sur eux la moitié de ma fortune ; aussi, lorsque je les vis arriver au but, devançant les autres coureurs de trois longueurs de cheval, je fus si joyeuse que je me mis à battre des mains comme une folle. Figurez-vous mon étonnement lorsque, en rentrant chez moi, je rencontrai sur mon escalier le petit jockey rose ! Je crus que le vainqueur de la course demeurait par hasard dans la même maison que moi, lorsque, en ouvrant la porte de mon salon, la première chose que je vis fut la coupe d’or qui formait le prix gagné par le cheval et le jockey inconnus. Dans la coupe il y avait un petit papier sur lequel étaient écrits ces mots : « À la comtesse G…, Lord Ruthwen. »

— C’est justement cela, dit Morcerf.

— Comment ! c’est justement cela ; que voulez-vous dire ?