Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/269

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que madame Danglars, ne pouvant connaître par ses propres yeux l’intérieur d’un homme qui donnait des chevaux de trente mille francs, et qui allait à l’Opéra avec une esclave grecque portant un million de diamants, avait chargé les yeux par lesquels elle avait l’habitude de voir de lui donner des renseignements sur cet intérieur.

Mais le comte ne parut pas soupçonner la moindre corrélation entre la visite de Lucien et la curiosité de la baronne.

— Vous êtes en rapports presque continuels avec le baron Danglars ? demanda-t-il à Albert de Morcerf.

— Mais oui, monsieur le comte ; vous savez ce que je vous ai dit.

— Cela tient donc toujours ?

— Plus que jamais, dit Lucien ; c’est une affaire arrangée.

Et Lucien, jugeant sans doute que ce mot mêlé à la conversation lui donnait le droit d’y demeurer étranger, plaça son lorgnon d’écaille dans son œil, et mordant la pomme d’or de sa badine, se mit à faire le tour de la chambre en examinant les armes et les tableaux.

— Ah ! dit Monte-Cristo ; mais, à vous entendre, je n’avais pas cru à une si prompte solution.

— Que voulez-vous ? Les choses marchent sans qu’on s’en doute ; pendant que vous ne songez pas à elles, elles songent à vous ; et quand vous vous retournez vous êtes étonné du chemin qu’elles ont fait. Mon père et M. Danglars ont servi ensemble en Espagne, mon père dans l’armée, M. Danglars dans les vivres. C’est là que mon père, ruiné par la Révolution, et M. Danglars, qui n’avait, lui, jamais eu de patrimoine, ont jeté les fondements, mon père, de sa fortune politique et militaire, qui