Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/43

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de famille assez remarquables, dit Château-Renaud.

— J’en avais trois pareilles, reprit Monte-Cristo : j’ai donné l’une au Grand-Seigneur, qui l’a fait monter sur son sabre ; l’autre à notre saint-père le pape, qui l’a fait incruster sur sa tiare en face d’une émeraude à peu près pareille, mais moins belle cependant, qui avait été donnée à son prédécesseur, Pie VII, par l’empereur Napoléon ; j’ai gardé la troisième pour moi, et je l’ai fait creuser, ce qui lui a ôté la moitié de sa valeur, mais ce qui l’a rendue plus commode pour l’usage que j’en voulais faire.

Chacun regardait Monte-Cristo avec étonnement ; il parlait avec tant de simplicité, qu’il était évident qu’il disait la vérité ou qu’il était fou ; cependant l’émeraude qui était restée entre ses mains faisait que l’on penchait naturellement vers la première supposition.

— Et que vous ont donné ces deux souverains en échange de ce magnifique cadeau ? demanda Debray.

— Le Grand-Seigneur, la liberté d’une femme, répondit le comte ; notre saint-père le pape, la vie d’un homme. De sorte qu’une fois dans mon existence j’ai été aussi puissant que si Dieu m’eût fait naître sur les marches d’un trône.

— Et c’est Peppino que vous avez délivré, n’est-ce pas ? s’écria Morcerf ; c’est à lui que vous avez fait l’application de votre droit de grâce ?

— Peut-être, dit Monte-Cristo en souriant.

— Monsieur le comte, vous ne vous faites pas l’idée du plaisir que j’éprouve à vous entendre parler ainsi ! dit Morcerf. Je vous avais annoncé d’avance à mes amis comme un homme fabuleux, comme un enchanteur des Mille et une Nuits, comme un sorcier du Moyen Âge ; mais les Parisiens sont gens tellement subtils en paradoxes,