Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/140

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mon enfant était mort, et vous l’avez enterré ! ah !…

Madame Danglars s’était redressée et elle se tenait devant le procureur du roi, dont elle serrait les poignets entre ses mains délicates, debout et presque menaçante.

— Que sais-je ? Je vous dis cela comme je vous dirais autre chose, répondit Villefort avec une fixité de regard qui indiquait que cet homme si puissant était prêt d’atteindre les limites du désespoir et de la folie.

— Ah ! mon enfant, mon pauvre enfant ! s’écria la baronne, retombant sur sa chaise et étouffant ses sanglots dans son mouchoir.

Villefort revint à lui, et comprit que pour détourner l’orage maternel qui s’amassait sur sa tête, il fallait faire passer chez madame Danglars la terreur qu’il éprouvait lui-même.

— Vous comprenez alors que si cela est ainsi, dit-il en se levant à son tour et en s’approchant de la baronne pour lui parler d’une voix plus basse, nous sommes perdus : cet enfant vit, et quelqu’un sait qu’il vit, quelqu’un a notre secret ; et puisque Monte-Cristo parle devant nous d’un enfant déterré où cet enfant n’était plus, ce secret c’est lui qui l’a.

— Dieu, Dieu juste, Dieu vengeur ! murmura madame Danglars.

Villefort ne répondit que par une espèce de rugissement.

— Mais cet enfant, cet enfant, monsieur ? reprit la mère obstinée.

— Oh ! que je l’ai cherché ! reprit Villefort en se tordant les bras, que de fois je l’ai appelé dans mes longues nuits sans sommeil ! que de fois j’ai désiré une richesse royale pour acheter un million de secrets à un million d’hommes, et pour trouver mon secret dans les leurs !