Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/207

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autre jeune homme et que le comte s’est écrié : « Ah ! M. le baron Franz d’Épinay ! » Tout ce que j’ai de force et de courage dans le cœur, je l’ai appelé pour me contenir. Peut-être ai-je pâli, peut-être ai-je tremblé ; mais à coup sûr je suis resté le sourire sur les lèvres. Mais cinq minutes après, je suis sorti sans avoir entendu un mot de ce qui s’est dit pendant ces cinq minutes ; j’étais anéanti.

— Pauvre Maximilien ! murmura Valentine.

— Me voilà, Valentine. Voyons, maintenant répondez-moi comme à un homme à qui votre réponse va donner la mort ou la vie. Que comptez-vous faire ?

Valentine baissa la tête ; elle était accablée.

— Écoutez, dit Morrel, ce n’est pas la première fois que vous pensez à la situation où nous sommes arrivés : elle est grave, elle est pesante, suprême. Je ne pense pas que ce soit le moment de s’abandonner à une douleur stérile : cela est bon pour ceux qui veulent souffrir à l’aise et boire leurs larmes à loisir. Il y a des gens comme cela, et Dieu sans doute leur tiendra compte au ciel de leur résignation sur la terre ; mais quiconque se sent la volonté de lutter, ne perd pas un temps précieux et rend immédiatement à la fortune le coup qu’il en a reçu. Est-ce votre volonté de lutter contre la mauvaise fortune, Valentine ? dites, car c’est cela que je viens vous demander.

Valentine tressaillit et regarda Morrel avec de grands yeux effarés. Cette idée de résister à son père, à sa grand-mère, à toute sa famille enfin ne lui était pas même venue.

— Que me dites-vous, Maximilien ? demanda Valentine, et qu’appelez-vous une lutte ? Oh ! dites un sacrilège. Quoi ! moi, je lutterais contre l’ordre de mon père, contre le vœu de mon aïeule mourante ! C’est impossible !

Morrel fit un mouvement.