Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/225

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— Morte, morte ! répétait-il dans sa pensée avec la voix de son cœur.

Et lui-même se sentait mourir.

— Parlez, docteur, j’écoute, dit Villefort ; frappez, je suis préparé à tout.

— Madame de Saint-Méran était bien âgée sans doute, mais elle jouissait d’une santé excellente.

Morrel respira pour la première fois depuis dix minutes.

— Le chagrin l’a tuée, dit Villefort ; oui, le chagrin, docteur ! Cette habitude de vivre depuis quarante ans près du marquis !…

— Ce n’est pas le chagrin, mon cher Villefort, dit le docteur. Le chagrin peut tuer, quoique les cas soient rares, mais il ne tue pas en un jour, mais il ne tue pas en une heure, mais il ne tue pas en dix minutes.

Villefort ne répondit rien ; seulement il leva la tête qu’il avait tenue baissée jusque-là, et regarda le docteur avec des yeux effarés.

— Vous êtes resté là pendant l’agonie ? demanda M. d’Avrigny.

— Sans doute, répondit le procureur du roi ; vous m’avez dit tout bas de ne pas m’éloigner.

— Avez-vous remarqué les symptômes du mal auquel madame de Saint-Méran a succombé ?

— Certainement ; madame de Saint-Méran a eu trois attaques successives à quelques minutes les unes des autres, et à chaque fois plus rapprochées et plus graves. Lorsque vous êtes arrivé, déjà depuis quelques minutes madame de Saint-Méran était haletante ; elle eut alors une crise que je pris pour une simple attaque de nerfs ; mais je ne commençai à m’effrayer réellement que lorsque je la vis se soulever sur son lit, les membres et le cou tendus.