d’heure qu’elle a duré, j’ai étudié l’agonie, les convulsions, la mort de madame de Saint-Méran ; eh bien ! dans ma conviction, non seulement madame de Saint-Méran est morte empoisonnée, mais encore je dirais, oui, je dirais quel poison l’a tuée.
— Monsieur ! monsieur !
— Tout y est, voyez-vous : somnolence interrompue par des crises nerveuses, surexcitation du cerveau, torpeur des centres. Madame de Saint-Méran a succombé à une dose violente de brucine ou de strychnine, que par hasard sans doute, que par erreur peut-être, on lui a administrée.
Villefort saisit la main du docteur.
— Oh ! c’est impossible ! dit-il, je rêve, mon Dieu ! je rêve ! C’est effroyable d’entendre dire des choses pareilles à un homme comme vous ! Au nom du ciel, je vous en supplie, cher docteur, dites-moi que vous pouvez vous tromper !
— Sans doute, je le puis, mais…
— Mais ?…
— Mais, je ne le crois pas.
— Docteur, prenez pitié de moi ; depuis quelques jours il m’arrive tant de choses inouïes, que je crois à la possibilité de devenir fou.
— Un autre que moi a-t-il vu madame de Saint-Méran ?
— Personne.
— A-t-on envoyé chez le pharmacien quelque ordonnance qu’on ne m’ait pas soumise ?
— Aucune.
— Madame de Saint-Méran avait-elle des ennemis ?
— Je ne lui en connais pas.
— Quelqu’un avait-il intérêt à sa mort ?