Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne vous voyais point venir, l’inquiétude m’a pris, j’ai sauté par-dessus le mur, j’ai pénétré dans le jardin ; alors des voix qui s’entretenaient du fatal accident…

— Quelles voix ? dit Valentine.

Morrel frémit, car toute la conversation du docteur et de M. de Villefort lui revint à l’esprit, et, à travers le drap, il croyait voir ces bras tordus, ce cou roidi, ces lèvres violettes.

— Les voix de vos domestiques, dit-il, m’ont tout appris.

— Mais venir jusqu’ici, c’est nous perdre, mon ami, dit Valentine, sans effroi et sans colère.

— Pardonnez-moi, répondit Morrel du même ton, je vais me retirer.

— Non, dit Valentine, on vous rencontrerait, restez.

— Mais si l’on venait ?

La jeune fille secoua la tête.

— Personne ne viendra, dit-elle, soyez tranquille, voilà notre sauvegarde.

Et elle montra la forme du cadavre moulée par le drap.

— Mais qu’est-il arrivé à M. d’Épinay ? dites-moi, je vous en supplie, reprit Morrel.

— M. Franz est arrivé pour signer le contrat au moment où ma bonne grand-mère rendait le dernier soupir.

— Hélas ! dit Morrel avec un sentiment de joie égoïste, car il songeait en lui-même que cette mort retardait indéfiniment le mariage de Valentine.

— Mais ce qui redouble ma douleur, continua la jeune fille, comme si ce sentiment eût dû recevoir à l’instant même sa punition, c’est que cette pauvre chère aïeule, en mourant, a ordonné qu’on terminât le mariage le plus tôt possible ; elle aussi, mon Dieu ! en croyant me protéger, elle aussi agissait contre moi.