Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/236

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— Y songez-vous, Valentine ?

— J’y songe, et depuis longtemps. Je n’ai plus que cet ami au monde, et nous avons tous deux besoin de lui… Venez.

— Prenez garde, Valentine, dit Morrel, hésitant à faire ce que lui ordonnait la jeune fille ; prenez garde, le bandeau est tombé de mes yeux : en venant ici, j’ai accompli un acte de démence. Avez-vous bien vous-même toute votre raison, chère amie ?

— Oui, dit Valentine, et je n’ai qu’un scrupule au monde, c’est de laisser seuls les restes de ma pauvre grand-mère, que je me suis chargée de garder.

— Valentine, dit Morrel, la mort est sacrée par elle-même.

— Oui, répondit la jeune fille ; d’ailleurs ce sera court, venez.

Valentine traversa le corridor et descendit un petit escalier qui conduisait chez Noirtier. Morrel la suivait sur la pointe du pied. Arrivés sur le palier de l’appartement, ils trouvèrent le vieux domestique.

— Barrois, dit Valentine, fermez la porte et ne laissez entrer personne.

Elle passa la première.

Noirtier, encore dans son fauteuil, attentif au moindre bruit, instruit par son vieux serviteur de tout ce qui se passait, fixait des regards avides sur l’entrée de la chambre ; il vit Valentine, et son œil brilla.

Il y avait dans la démarche et dans l’attitude de la jeune fille quelque chose de grave et de solennel qui frappa le vieillard. Aussi, de brillant qu’il était, son œil devint-il interrogateur.

— Cher père, dit-elle d’une voix brève, écoute-moi bien : tu sais que bonne-maman Saint-Méran est morte