Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/278

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à faire de la musique avec elles ? demanda Danglars à Andrea.

— Hélas ! non, monsieur, répondit Andrea avec un soupir plus remarquable encore que les autres.

Danglars s’avança aussitôt vers la porte de communication et l’ouvrit.

On vit alors les deux jeunes filles assises sur le même siège, devant le même piano. Elles accompagnaient chacune d’une main, exercice auquel elles s’étaient habituées par fantaisie, et où elles étaient devenues d’une force remarquable.

Mademoiselle d’Armilly, qu’on apercevait alors, formant avec Eugénie, grâce au cadre de la porte, un de ces tableaux vivants comme on en fait souvent en Allemagne, était d’une beauté assez remarquable, ou plutôt d’une gentillesse exquise. C’était une petite femme mince et blonde comme une fée, avec de grands cheveux bouclés tombant sur son cou un peu trop long, comme Pérugin en donne parfois à ses vierges, et des yeux voilés par la fatigue. On disait qu’elle avait la poitrine faible, et que, comme Antonia du Violon de Crémone, elle mourrait un jour en chantant.

Monte-Cristo plongea dans ce gynécée un regard rapide et curieux ; c’était la première fois qu’il voyait mademoiselle d’Armilly, dont si souvent il avait entendu parler dans la maison.

— Eh bien ! demanda le banquier à sa fille, nous sommes donc exclus, nous autres ?

Alors il mena le jeune homme dans le petit salon, et, soit hasard, soit adresse, derrière Andrea la porte fut repoussée de manière à ce que de l’endroit où ils étaient assis, Monte-Cristo et la baronne ne pussent plus rien voir ; mais, comme le banquier avait suivi Andrea,