Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/30

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— Oui, fit Noirtier.

— À qui désirez-vous laisser cette fortune ?

— Oh ! dit madame de Villefort, cela n’est point douteux ; M. Noirtier aime uniquement sa petite-fille, mademoiselle Valentine de Villefort : c’est elle qui le soigne depuis six ans ; elle a su captiver par ses soins assidus l’affection de son grand-père, et je dirai presque sa reconnaissance ; il est donc juste qu’elle recueille le prix de son dévouement.

L’œil de Noirtier lança un éclair comme s’il n’était pas dupe de ce faux assentiment donné par madame de Villefort aux attentions qu’elle lui supposait.

— Est-ce donc à mademoiselle Valentine de Villefort que vous laissez ces neuf cent mille francs ? demanda le notaire, qui croyait n’avoir plus qu’à enregistrer cette clause, mais qui tenait à s’assurer cependant de l’assentiment de Noirtier, et voulait faire constater cet assentiment par tous les témoins de cette étrange scène.

Valentine avait fait un pas en arrière et pleurait les yeux baissés ; le vieillard la regarda un instant avec l’expression d’une profonde tendresse ; puis se retournant vers le notaire, il cligna des yeux de la façon la plus significative.

— Non ? dit le notaire ; comment, ce n’est pas mademoiselle Valentine de Villefort que vous instituez pour votre légataire universelle ?

Noirtier fit signe que non.

— Vous ne vous trompez pas ? s’écria le notaire étonné ; vous dites bien non ?

— Non ! répéta Noirtier, non !

Valentine releva la tête ; elle était stupéfaite, non pas de son exhérédation, mais d’avoir provoqué le sentiment qui dicte d’ordinaire de pareils actes.