Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/305

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figure que sa mort terrible fit apparaître gigantesque aux yeux de l’Europe contemporaine.

— Bientôt, continua Haydée, la marche s’arrêta ; nous étions au bas de l’escalier et au bord d’un lac. Ma mère me pressait contre sa poitrine bondissante, et je vis à deux pas derrière nous mon père, qui jetait de tous côtés des regards inquiets.

Devant nous s’étendaient quatre degrés de marbre, et au bas du dernier degré ondulait une barque.

D’où nous étions on voyait se dresser au milieu d’un lac une masse noire ; c’était le kiosque où nous nous rendions.

Ce kiosque me paraissait à une distance considérable, peut-être à cause de l’obscurité.

Nous descendîmes dans la barque. Je me souviens que les rames ne faisaient aucun bruit en touchant l’eau ; je me penchai pour les regarder : elles étaient enveloppées avec les ceintures de nos Palicares.

Il n’y avait, outre les rameurs, dans la barque, que des femmes, mon père, ma mère, Sélim et moi.

Les Palicares étaient restés au bord du lac, agenouillés sur le dernier degré, et se faisant, dans le cas où ils eussent été poursuivis, un rempart des trois autres.

Notre barque allait comme le vent.

— Pourquoi la barque va-t-elle si vite ? demandai-je à ma mère.

— Chut ! mon enfant, dit-elle, c’est que nous fuyons.

Je ne compris pas. Pourquoi mon père fuyait-il, lui le tout-puissant, lui devant qui d’ordinaire fuyaient les autres, lui qui avait pris pour devise :


Ils me haïssent, donc ils me craignent !

En effet, c’était une fuite que mon père opérait sur le