Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/93

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monter dans une belle voiture ; non, c’est seulement parce que je suis fatigué, et puis, un petit peu, parce que j’ai à causer d’affaires avec toi.

— Voyons, montez, dit le jeune homme.

Il était fâcheux qu’il ne fît pas jour, car c’eût été un spectacle curieux que celui de ce gueux, assis carrément sur les coussins brochés, près du jeune et élégant conducteur du tilbury.

Andrea poussa son cheval jusqu’à la dernière maison du village sans dire un seul mot à son compagnon, qui, de son côté, souriait et gardait le silence, comme s’il eût été ravi de se promener dans une si bonne locomotive.

Une fois hors d’Auteuil, Andrea regarda autour de lui pour s’assurer sans doute que nul ne pouvait ni les voir ni les entendre ; et alors, arrêtant son cheval et se croisant les bras devant l’homme au mouchoir rouge :

— Ah çà ! lui dit-il, pourquoi venez-vous me troubler dans ma tranquillité ?

— Mais, toi-même, mon garçon, pourquoi te défies-tu de moi ?

— Et en quoi me suis-je défié de vous ?

— En quoi ? tu le demandes ? nous nous quittons au pont du Var, tu me dis que tu vas voyager en Piémont et en Toscane, et pas du tout, tu viens à Paris.

— En quoi cela vous gêne-t-il ?

— En rien ; au contraire, j’espère même que cela va m’aider.

— Ah ! ah ! dit Andrea, c’est-à-dire que vous spéculez sur moi.

— Allons ! voilà les gros mots qui arrivent.

— C’est que vous auriez tort, maître Caderousse, je vous en préviens.

— Eh, mon Dieu ! ne te fâche pas, le petit ; tu dois