Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/144

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chose tellement grave, tellement sacrée, tellement vitale pour la chambre, qu’il réclamait toute l’attention de ses collègues.

Aux premiers mots de Janina et du colonel Fernand, le comte de Morcerf pâlit si horriblement, qu’il n’y eut qu’un frémissement dans cette assemblée, dont tous les regards convergeaient vers le comte.

Les blessures morales ont cela de particulier qu’elles se cachent, mais ne se referment pas ; toujours douloureuses, toujours prêtes à saigner quand on les touche, elles restent vives et béantes dans le cœur.

La lecture de l’article achevée au milieu de ce même silence, troublé alors par un frémissement qui cessa aussitôt que l’orateur parut disposé à reprendre de nouveau la parole, l’accusateur exposa son scrupule, et se mit à établir combien sa tâche était difficile ; c’était l’honneur de M. de Morcerf, c’était celui de toute la Chambre qu’il prétendait défendre en provoquant un débat qui devait s’attaquer à ces questions personnelles toujours si brûlantes. Enfin, il conclut en demandant qu’une enquête fût ordonnée, assez rapide pour confondre, avant qu’elle eût eu le temps de grandir, la calomnie, et pour rétablir M. de Morcerf, en le vengeant, dans la position que l’opinion publique lui avait faite depuis longtemps.

Morcerf était si accablé, si tremblant devant cette immense et inattendue calamité, qu’il put à peine balbutier quelques mots en regardant ses confrères d’un œil égaré. Cette timidité, qui d’ailleurs pouvait aussi bien tenir à l’étonnement de l’innocent qu’à la honte du coupable, lui concilia quelques sympathies. Les hommes vraiment généreux sont toujours prêts à devenir compatissants, lorsque le malheur de leur ennemi dépasse les limites de leur haine.