Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/149

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comme dans tout le reste, le malheur me poursuivait. À mon retour, Vasiliki et sa fille Haydée avaient disparu.

— Vous les connaissiez ?

— Mon intimité avec le pacha et la suprême confiance qu’il avait dans ma fidélité m’avaient permis de les voir plus de vingt fois.

— Avez-vous quelque idée de ce qu’elles sont devenues ?

— Oui, monsieur. J’ai entendu dire qu’elles avaient succombé à leur chagrin et peut-être à leur misère. Je n’étais pas riche, ma vie courait de grands dangers, je ne pus me mettre à leur recherche, à mon grand regret.

Le président fronça imperceptiblement le sourcil.

— Messieurs, dit-il, vous avez entendu et suivi M. le comte de Morcerf et ses explications. Monsieur le comte, pouvez-vous, à l’appui du récit que vous venez de faire, fournir quelque témoin ?

— Hélas ! non, monsieur, répondit le comte ; tous ceux qui entouraient le vizir et qui m’ont connu à sa cour sont ou morts ou dispersés ; seul, je crois, du moins, seul de mes compatriotes, j’ai survécu à cette affreuse guerre ; je n’ai que des lettres d’Ali-Tebelin, et je les ai mises sous vos yeux ; je n’ai que l’anneau, gage de sa volonté, et le voici ; j’ai enfin la preuve la plus convaincante que je puisse fournir, c’est-à-dire, après une attaque anonyme, l’absence de tout témoignage contre ma parole d’honnête homme et la pureté de toute ma vie militaire.

Un murmure d’approbation courut dans l’assemblée ; en ce moment, Albert, et s’il ne fût survenu aucun incident, la cause de votre père était gagnée.

Il ne restait plus qu’à aller aux voix, lorsque le président prit la parole.