Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/228

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aussitôt disparu qu’éclos, non, vous avez raison, je ne suis pas venu pour cela ! Je suis venu pour vous dire que moi aussi je vous regarde comme mon ennemi ! Je suis venu pour vous dire que je vous hais d’instinct ! qu’il me semble que je vous ai toujours connu, toujours haï ! Et qu’enfin, puisque les jeunes gens de ce siècle ne se battent plus, c’est à nous de nous battre… Est-ce votre avis, monsieur ?

— Parfaitement. Aussi, quand je vous ai dit que j’avais prévu ce qui m’arrivait, c’est de l’honneur de votre visite que je voulais parler.

— Tant mieux… vos préparatifs sont faits, alors ?

— Ils le sont toujours, monsieur.

— Vous savez que nous nous battrons jusqu’à la mort de l’un de nous deux ? dit le général, les dents serrées par la rage.

— Jusqu’à la mort de l’un de nous deux, répéta le comte de Monte-Cristo en faisant un léger mouvement de tête de haut en bas.

— Partons alors, nous n’avons pas besoin de témoins.

— En effet, dit Monte-Cristo, c’est inutile, nous nous connaissons si bien !

— Au contraire, dit le comte, c’est que nous ne nous connaissons pas.

— Bah ! dit Monte-Cristo avec le même flegme désespérant, voyons un peu. N’êtes-vous pas le soldat Fernand qui a déserté la veille de la bataille de Waterloo ? N’êtes-vous pas le lieutenant Fernand qui a servi de guide et d’espion à l’armée française en Espagne ? N’êtes-vous pas le colonel Fernand qui a trahi, vendu, assassiné son bienfaiteur Ali ? Et tous ces Fernand-là réunis n’ont-ils pas fait le lieutenant général comte de Morcerf, pair de France ?