Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Pardon, chère amie, dit l’implacable jeune fille ; M. Albert en réclame et en mérite sa part : il paraît qu’après avoir provoqué hier M. de Monte-Cristo à l’Opéra, il lui a fait aujourd’hui des excuses sur le terrain.

— Impossible ! dit madame de Villefort.

— Ah ! chère amie, dit madame Danglars avec cette même naïveté que nous avons déjà signalée, la chose est certaine ; je le sais de M. Debray, qui était présent à l’explication.

Valentine aussi savait la vérité, mais elle ne répondait pas. Repoussée par un mot dans ses souvenirs, elle se retrouvait en pensée dans la chambre de Noirtier, où l’attendait Morrel.

Plongée dans cette espèce de contemplation intérieure, Valentine avait depuis un instant cessé de prendre part à la conversation ; il lui eût même été impossible de répéter ce qui avait été dit depuis quelques minutes, quand tout à coup la main de madame Danglars, en s’appuyant sur son bras, la tira de sa rêverie.

— Qu’y a-t-il, madame ? dit Valentine en tressaillant au contact des doigts de madame Danglars, comme elle eût tressailli à un contact électrique.

— Il y a, ma chère Valentine, dit la baronne, que vous souffrez sans doute ?

— Moi ? fit la jeune fille en passant sa main sur son front brûlant.

— Oui ; regardez-vous dans cette glace ; vous avez rougi et pâli successivement trois ou quatre fois dans l’espace d’une minute.

— En effet, s’écria Eugénie, tu es bien pâle !

— Oh ! ne t’inquiète pas, Eugénie ; je suis comme cela depuis quelques jours.

Et si peu rusée qu’elle fût, la jeune fille comprit que