Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/24

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— À cause de l’honneur.

— Ah ! ceci, c’est sérieux.

— Si sérieux, que je viens vous prier de me rendre un service.

— Lequel ?

— Celui d’être mon témoin.

— Alors cela devient grave ; ne parlons de rien ici, et rentrons chez moi. Ali, donne-moi de l’eau.

Le comte retroussa ses manches et passa dans le petit vestibule qui précède les tirs, et où les tireurs ont l’habitude de se laver les mains.

— Entrez donc, monsieur le vicomte, dit tout bas Philippe, vous verrez quelque chose de drôle.

Morcerf entra. Au lieu de mouches, des cartes à jouer étaient collées sur la plaque.

De loin Morcerf crut que c’était le jeu complet ; il y avait depuis l’as jusqu’au dix.

— Ah ! ah ! fit Albert, vous étiez en train de jouer au piquet ?

— Non, dit le comte, j’étais en train de faire un jeu de cartes.

— Comment cela ?

— Oui, ce sont des as et des deux que vous voyez ; seulement mes balles en ont fait des trois, des cinq, des sept, des huit, des neuf et des dix.

Albert s’approcha.

En effet, les balles avaient, avec des lignes parfaitement exactes et des distances parfaitement égales, remplacé les signes absents et troué le carton aux endroits où il aurait dû être peint. En allant à la plaque, Morcerf ramassa, en outre, deux ou trois hirondelles qui avaient eu l’imprudence de passer à portée de pistolet du comte, et que le comte avait abattues.