Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/260

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Nous les prions donc de faire un pas en arrière et de se transporter, le matin même de cette journée aux grandes catastrophes, dans ce beau salon si bien doré que nous leur avons fait connaître, et qui faisait l’orgueil de son propriétaire, M. le baron Danglars.

Dans ce salon en effet, vers les dix heures du matin, se promenait depuis quelques minutes, tout pensif et visiblement inquiet, le baron lui-même, regardant à chaque porte et s’arrêtant à chaque bruit.

Lorsque sa somme de patience fut épuisée, il appela le valet de chambre.

— Étienne, lui dit-il, voyez donc pourquoi mademoiselle Eugénie m’a prié de l’attendre au salon, et informez-vous pourquoi elle m’y fait attendre si longtemps.

Cette bouffée de mauvaise humeur exhalée, le baron reprit un peu de calme.

En effet, mademoiselle Danglars, après son réveil, avait fait demander une audience à son père, et avait désigné le salon doré comme le lieu de cette audience. La singularité de cette démarche, son caractère officiel surtout, n’avaient pas médiocrement surpris le banquier, qui avait immédiatement obtempéré au désir de sa fille en se rendant le premier au salon.

Étienne revint bientôt de son ambassade.

— La femme de chambre de mademoiselle, dit-il, m’a annoncé que mademoiselle achevait sa toilette et ne tarderait pas à venir.

Danglars fit un signe de tête indiquant qu’il était satisfait. Danglars, vis-à-vis du monde et même vis-à-vis de ses gens, affectait le bonhomme et le père faible : c’était une face du rôle qu’il s’était imposé dans la comédie populaire qu’il jouait ; c’était une physionomie qu’il avait adoptée et qui lui semblait convenir comme il convenait