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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/36

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Oui, le fait est faux, je l’efface ; ou bien : Oui, le fait est vrai, et je sors les épées du fourreau, ou les pistolets de la boîte, à votre choix.

— Trois semaines ! s’écria Albert ; mais trois semaines, c’est trois siècles pendant lesquels je suis déshonoré !

— Si vous étiez resté mon ami, je vous eusse dit : Patience, ami ; vous vous êtes fait mon ennemi et je vous dis : Que m’importe, à moi, monsieur !

— Eh bien, dans trois semaines, soit, dit Morcerf. Mais, songez-y, dans trois semaines il n’y aura plus ni délai, ni subterfuge qui puisse vous dispenser…

— Monsieur Albert de Morcerf, dit Beauchamp en se levant à son tour, je ne puis vous jeter par les fenêtres que dans trois semaines, c’est-à-dire dans vingt-quatre jours, et vous, vous n’avez le droit de me pourfendre qu’à cette époque. Nous sommes le 29 du mois d’août, au 21 donc du mois de septembre. Jusque-là, croyez-moi, et c’est un conseil de gentilhomme que je vous donne, épargnons-nous les aboiements de deux dogues enchaînés à distance.

Et Beauchamp, saluant gravement le jeune homme, lui tourna le dos et passa dans son imprimerie.

Albert se vengea sur une pile de journaux qu’il dispersa en les cinglant à grands coups de badine ; après quoi il partit, non sans s’être retourné deux ou trois fois vers la porte de l’imprimerie.

Tandis qu’Albert fouettait le devant de son cabriolet après avoir fouetté les innocents papiers noircis qui n’en pouvaient mais de sa déconvenue, il aperçut, en traversant le boulevard, Morrel qui, le nez au vent, l’œil éveillé et les bras dégagés, passait devant les bains Chinois, venant du côté de la porte Saint-Martin, et allant du côté de la Madeleine.