Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/66

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— Mais, continua le concierge, il n’a pas voulu les prendre.

Andrea pâlit ; seulement, comme il faisait nuit, personne ne le vit pâlir.

— Comment ! il n’a pas voulu les prendre ? dit-il d’une voix légèrement émue.

— Non ! il voulait parler à Votre Excellence. J’ai répondu que vous étiez sorti ; il a insisté. Mais enfin il a paru se laisser convaincre, et m’a donné cette lettre qu’il avait apportée toute cachetée.

— Voyons, dit Andrea.

Il lut à la lanterne de son phaéton :

« Tu sais où je demeure ; je t’attends demain à neuf heures du matin. »

Andrea interrogea le cachet pour voir s’il avait été forcé et si des regards indiscrets avaient pu pénétrer dans l’intérieur de la lettre ; mais elle était pliée de telle sorte, avec un tel luxe de losanges et d’angles, que pour la lire il eût fallu rompre le cachet : or, le cachet était parfaitement intact.

— Très bien, dit-il. Pauvre homme ! c’est une bien excellente créature.

Et il laissa le concierge édifié par ces paroles, et ne sachant pas lequel il devait le plus admirer, du jeune maître ou du vieux serviteur.

— Dételez vite, et montez chez moi, dit Andrea à son groom.

En deux bonds, le jeune homme fut dans sa chambre et eut brûlé la lettre de Caderousse, dont il fit disparaître jusqu’aux cendres.

Il achevait cette opération lorsque le domestique entra.

— Tu es de la même taille que moi, Pierre, lui dit-il.

— J’ai cet honneur-là, Excellence, répondit le valet.