vous abusez, puisque vous venez me braver jusque dans cette chambre où je m’étais retiré comme dans ma tombe ; puisque vous m’apportez une nouvelle torture à moi qui croyais les avoir épuisés toutes, comte de Monte-Cristo, mon prétendu bienfaiteur ; comte de Monte-Cristo, le sauveur universel, soyez satisfait, vous allez voir mourir votre ami !…
Et Morrel, le rire de la folie sur les lèvres, s’élança une seconde fois vers les pistolets.
Monte-Cristo, pâle comme un spectre, mais l’œil éblouissant d’éclairs, étendit la main sur les armes, et dit à l’insensé :
— Et moi je vous répète que vous ne vous tuerez pas !
— Empêchez-m’en donc ! répliqua Morrel avec un dernier élan qui, comme le premier, vint se briser contre le bras d’acier du comte.
— Je vous en empêcherai !
— Mais qui êtes-vous donc, à la fin, pour vous arroger ce droit tyrannique sur des créatures libres et pensantes ? s’écria Maximilien.
— Qui je suis ? répéta Monte-Cristo.
Écoutez :
Je suis, poursuivit Monte-Cristo, le seul homme au monde qui ait le droit de vous dire : Morrel, je ne veux pas que le fils de ton père meure aujourd’hui !
Et Monte-Cristo, majestueux, transfiguré, sublime, s’avança les deux bras croisés vers le jeune homme palpitant, qui, vaincu malgré lui par la presque divinité de cet homme, recula d’un pas.
— Pourquoi parlez-vous de mon père ? balbutia-t-il ; pourquoi mêler le souvenir de mon père à ce qui m’arrive aujourd’hui ?
— Parce que je suis celui qui a déjà sauvé la vie à ton