Beauchamp ; je vous disais donc que madame me demandait avant-hier des renseignements là-dessus ; instruisez-moi, je l’instruirai.
— Eh bien ! messieurs, si l’on meurt si dru, je maintiens le mot, dans la maison Villefort, c’est qu’il y a un assassin dans la maison !
Les deux jeunes gens tressaillirent, car déjà plus d’une fois la même idée leur était venue.
— Et quel est cet assassin ? demandèrent-ils ensemble.
— Le jeune Édouard.
Un éclat de rire des deux auditeurs ne déconcerta aucunement l’orateur, qui continua :
— Oui, messieurs, le jeune Édouard, enfant phénoménal, qui tue déjà comme père et mère.
— C’est une plaisanterie ?
— Pas du tout ; j’ai pris hier un domestique qui sort de chez M. de Villefort : écoutez bien ceci.
— Nous écoutons.
— Et que je vais renvoyer demain, parce qu’il mange énormément pour se remettre du jeûne de terreur qu’il s’imposait là-bas. Eh bien ! il paraît que ce cher enfant a mis la main sur quelque flacon de drogue dont il use de temps en temps contre ceux qui lui déplaisent. D’abord ce fut bon-papa et bonne-maman de Saint-Méran qui lui déplurent, et il leur a versé trois gouttes de son élixir ; trois gouttes suffisent ; puis ce fut le brave Barrois, vieux serviteur de bon-papa Noirtier, lequel rudoyait de temps en temps l’aimable espiègle que vous connaissez : l’aimable espiègle lui a versé trois gouttes de son élixir ; ainsi fut fait de la pauvre Valentine, qui ne le rudoyait pas, elle, mais dont il était jaloux : il lui a versé trois gouttes de son élixir, et pour elle comme pour les autres tout a été fini.